Si la question de l’aide a déjà été beaucoup travaillée, l’utilisation du mot «accompagnement», très à la mode, demande à être précisée. De quoi parle-t-on exactement? Maëla Paul explique en quoi ce mot désigne beaucoup plus qu’une simple aide ou une assistance: l’accompagnement implique de se positionner en tant que professionnel dans ses postures et ses intentions, de se questionner en tant qu’individu sur le type de relation à mettre en place avec les élèves, et en tant que citoyen, sur le type de société qu’il s’agit de contribuer à construire. Avec Martine Lani-Bayle, c’est l’approche clinique qui vient en interférence donner un rôle primordial à la relation langagière entre l’apprenant et l’enseignant. Mais ces deux chercheuses nous disent la même chose: accompagner, c’est prendre une posture différente de celle de surplomb souvent attribuée à l’enseignant. Les témoignages viennent conforter ce point de vue. Que l’accompagnement soit dans ou hors l’école, qu’il soit fait par l’enseignant ou par un tiers, il ne semble porter ses fruits qu’à condition que la posture de l’accompagnant soit dans le «à côté». Il ne s’agit pas de renoncer à enseigner, mais bien d’aider l’accompagné à devenir autonome dans ses apprentissages. On ne parle donc plus simplement d’aide comme on l’a fait dans le dossier du n.° 436 des Cahiers pédagogiques, «Aider les élèves?», ni de difficulté scolaire comme dans celui du n.° 480 «Travailler avec les élèves en difficulté»: l’accompagnement s’adresse à tous les élèves. Il vient à la fois aider, soutenir, ouvrir, motiver, émanciper, et se traduit par des approches très variées: des activités non scolaires visant à motiver le travail scolaire comme le montre Hervé Jacob et son atelier cirque au collège, des temps de travail par une prise en charge extérieure comme en témoigne Isabelle Valle au premier degré, ou Philippe Masson à travers l’étude du fonctionnement d’une association périscolaire, ou encore l’utilisation de forum Internet comme le propose l’article de Anaïs Théviot, une organisation différente à la fois du contenu et de la didactique des cours qui semble avoir convaincu Sylvette Rascle, Bernard Hoarau ou Jean-Paul Vaubourg. L’accompagnement demande de réinterroger l’évaluation, ce que propose Benoît Becquart qui propose des exemples de pratiques amenant l’élève à analyser son parcours d’apprentissage. L’accompagnement est une affaire d’équipe. Charlotte Menet nous le rappelle en précisant comment l’enseignant spécialisé peut travailler dans et hors la classe en fonction des besoins de chaque élève. Les parents ne sont pas exclus de ce chemin à parcourir ensemble, ce sont eux qui vont payer à prix d’or cours particuliers et coaching.
Que cache cette demande ? Une inquiétude face à l’aspect sélectif qu’est notre système scolaire ou une façon de se décharger d’un accompagnement dont ils ne se sentent soit pas capables, soit pas autorisés? J’en parle dans un témoignage sur l’accompagnement d’une élève de seconde. Mais toutes ces approches visent bien à donner du sens aux apprentissages, comme le dit Guy Sonnois. Ce qui est nouveau, c’est l’idée qu’il ne s’agit plus uniquement d’aider des élèves en difficulté, qu’il s’agit d’aider chaque élève à se construire non seulement en tant qu’apprenant sur toute sa vie, mais aussi en tant qu’individu se projetant dans une société qu’il contribue à construire. L’accompagnement ainsi entendu devrait alors amener à concevoir une école plus humaine, plus respectueuse des projets individuels et du relationnel, ce qui ne signifie pas que les savoirs ou les connaissances passent en second plan. Au contraire, cette conception de l’enseignement peut permettre une approche plus motivée et plus construite des savoirs considérés non pas comme des objets de transmissions, mais bien des objets qui se construisent et s’approprient dans un contexte particulier et selon la subjectivité de chacun. L’article de Karine Foucher sur l’accompagnement en lycée professionnel montre bien comment l’accompagnement doit tenir compte du projet de l’élève tout comme celui de Laurence Perennes sur la lutte contre le décrochage à l’université.
Accompagner demande donc un travail important sur soi, une formation, des moyens, un travail d’équipe. Accompagner ne peut se faire qu’en réinterrogeant notre posture d’enseignant. C’est ce que nous vous invitons à faire à travers ce dossier.
Sylvie Grau
Professeure de mathématiques en lycée à Orvault (Loire-Atlantique)
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